mercredi 12 février 2014

La PMA en danger

Les médias et l'opinion public actuels s'accommodent souvent de raccourcis sur les sujets d'actualité ou sur les faits de société. La PMA n'échappe pas à la règle.

Mediapart titrait récemment "la PMA cet obscure objet de fantasme" pour s'étonner des amalgames qui étaient faites sur le sujet de la PMA, et qui font croire à l'opinion public que PMA et  "mariage pour tous" sont intimement liés.

Une vampirisation du sujet

Une chose est sûre : depuis quelques mois, trouver des informations médicales sur les avancées de la PMA est devenue chose impossible sur internet. Les résultats sont pollués par le débat sur l'ouverture de la PMA à tous.

Mes abonnements aux recherches sur les trois lettres PMA me remontent chaque jour de nombreuses réponses, mais qui ne m'apportent rien sur le sujet qui m'intéresse en premier lieu. À la place je trouve des interviews d'hommes et de femmes politiques qui s'expriment "pour ou contre la PMA (comprendre "pour tous"). L'impression qui s'en détache c'est que la PMA, au sens acte médical n'existe plus dans les médias qu'au travers la polémique qu'elle suscite. Et ça, c'est assez grave.

Un bon gros mélange des genres

À part cet article dans Mediapart, je n'en ai pas vu beaucoup d'autres qui s'étonnait du joyeux mélange des genres sur le sujet. J'ai partagé avec vous dans ma page Facebook plusieurs titres provocateurs du type "la société n'est pas prête pour la PMA" ou encore "Pour ou contre la PMA", comme s'il était entendu que la PMA, c'est uniquement le complément de la loi du mariage pour tous. Les couples hétéros qui en ont bénéficié, ou qui en bénéficient actuellement en affrontant avec courage toutes les difficultés n'existent plus, ou pire, sont marginalisés.


Mieux, les articles que j'ai lus, écrits par des journalistes qui ne connaissent rien au sujet bien souvent, mettent au même plan la PMA et la GPA (Gestation Pour Autrui) qui sont pourtant bien deux sujets distincts. Mais le débat qui agite l'autorisation ou pas de la GPA contamine la PMA classique, qui elle, est bien autorisée en France.

Ce lavage de cerveaux produit ses effets. Pour preuve, cette personne à qui j'expliquais que j'avais du avoir recours à la PMA pour avoir mes deux enfants, et qui m'expliquait en retour, gêné par cette révélation, qu'il ne savait pas que j'étais gay. Avouer le recours à la PMA avec certaines personnes aujourd'hui revient donc à faire un coming out. Dingue !

Un autre exemple : cette journaliste de l'émission "c'est ma vie" qui poste un message sur ma page Facebook PMA pour un appel à témoin sur " la révélation de l'homosexualité d'un membre de votre famille". Franchement, quel rapport avec ma page ??

Ce mélange me gêne, uniquement parce qu'il trouble encore plus la vision qu'a le public de la PMA, qui ne comprend déjà rien au sujet par défaut. Comme en témoigne cette autre personne qui, apprenant mes problème de fertilité, me conseilla avec un petit sourire de coin de recourir au ... Viagra !!

Des difficultés supplémentaires pour les patients

Parler de PMA à ses proches ou à ses collègues n'est jamais simple surtout quand on vient tout juste d'entrer dans la procédure. Les gens ne comprennent pas toujours ce qu'est la PMA, ce que cela implique. Or les couples ont besoin d'empathie, d'encouragement. Ils ont besoin qu'on leur dise qu'ils sont courageux, ... Ils n'ont pas besoin de se justifier, ou de se défendre d'avoir fait le choix de se battre pour être parents.

Le problème aujourd'hui est qu'un brouillard dense et polémique entoure plus que jamais le sujet de PMA. Ce brouillard trouble la vision que le public peut en avoir, et lui donne une espèce de goût de souffre. Parler PMA avec quelqu'un qui ne regarde les actualités que sous l'angle de ce qu'en disent les médias, c'est à coup sur évoquer dans son esprit le mariage pour tous, la gay pride, et tous les aprioris malsains que les gens ont sur l'homosexualité.

La PMA n'avait pas besoin de ça, car nombreux étaient déjà ceux qui pensaient avant même toute cette battue médiatique que la PMA n'a pas de raison d'être. C'est ce qu'une dame de bonne famille m'avait expliqué par message privé : "si Dieu ne donne pas d'enfant à un couple, c'est qu'il a de bonnes raisons, et ce n'était pas à l'homme d'essayer de se substituer à lui". Ceux qui disent ça généralement sont parents de famille nombreuse, un serre tête dans les cheveux, une jupe plissée et habitent Versailles.

A quoi sert la PMA ?

Être pour ou contre la PMA pour tous, n'a jamais été le sujet de ma page Facebook et ne le sera jamais. Quelques lecteurs ont essayé d'importer ce débat dans ma page mais j'ai toujours réussi à déminer le sujet, car c'est un sujet explosif par excellence. Face à face deux partis inconciliables qui ont chacun de bons arguments. Jamais personne ne gagnera, jamais aucune décision sur ce sujet ne sera un bon compromis.

Je pense simplement que le vrai débat n'est pas forcément sur l'ouverture de la PMA aux couples homosexuels, qui feraient j'en suis certain, d'aussi bons parents au demeurant que les couples hétéros. La question est de savoir comment la PMA, outil médical, doit se positionner par rapport à des questions qui n'ont rien de médicales.

La PMA est un acte médical qui permet de soigner un problème de santé, à l'origine de l'infertilité d'un couple. Pour cette raison, cet acte médical coûteux est pris en charge à 100% par la sécurité sociale, puisqu'il s'agit d'un problème de santé.

La question à mon sens est donc plutôt de définir si cet outil médical, et pris en charge par la sécurité sociale, doit être utilisé pour des problèmes d'infertilité causés par des causes non médicales : les couples homosexuels sont concernés, mais aussi les célibataires qui révéraient d'être parents mais qui n'ont plus leur compagnon (décédé) ou qui n'ont jamais pu en rencontrer pour mille raisons. De quoi alimenter encore des années de polémique.

La PMA en danger

Cette mise en lumière très polémique de la PMA est une très mauvaise nouvelle pour tous les acteurs qui œuvrent pour la PMA mais aussi pour tous les patients. Ces amalgames à répétition qui braquent l'opinion publique contre la PMA signent pour moi l'arrêt de tout progrès possible dans les possibilités offertes par la PMA ou dans les modalités de prise en charge.

Premier effet certainement lié : les donneurs de sperme et d'ovocyte se font de plus en plus rares (lire l'article). La raison en est simple : parmi ces donneurs se trouvent des personnes opposées à l'ouverture de la PMA aux couples homosexuels. De peur que leur don ne soit utilisé à cette fin, ils s'abstiennent. La PMA a aujourd'hui un petit arrière goût de souffre qui ne donne pas envie de s'y investir.

Second effet, la GPA est diabolisée. Aujourd'hui toujours interdite, la GPA, bien encadrée, est pourtant une solution pour les couples hétéro dont la femme ne peut avoir d'enfant pour cause d'utérus mal formé (comme c'est le cas pour les filles distilbene). Certaines d'entre vous m'ont expliqué par mail privé que leurs médecins (français) les orientaient vers des centres étrangers sérieux pour les aider à bénéficier de cette solution extrême. Seuls les couples les plus aisés peuvent de ce fait, en bénéficier.

Sur ce sujet GPA, il me semble qu'il n'y a plus aucun espoir que les choses évoluent, puisque la GPA est devenue le diable réincarné pour une bonne partie des opposants à la PMA pour tous. GPA = homos, forcément. En témoigne la volée de bois verts qu'a déclenché la circulaire Taubira, qui rappelait simplement le droit en matière d'acquisition de la nationalité française pour les enfants nés d'une GPA à l'étranger.

Rappelons que les autorités refusent la nationalité française aux enfants nés d'une GPA à l'étranger, sous prétexte que la GPA est interdite sur le territoire, alors que la nationalité est acquise si l'un des deux parents est français. Le film "interdit d'enfant" qui raconte l'enfer d'un couple face à l'administration en est un bon témoignage.

Et demain ?

La PMA coûte très chère. Elle est prise à 100% en charge par la sécurité sociale, qui autorise un nombre de tentative relativement important au regard du coût (4 tentatives = 4 ponctions). Dans ces temps de disette budgétaire, je me demande si un jour il ne viendra pas à l'idée d'un énarque de profiter de la polémique qui colle à la PMA pour en réduire l'accès.

Et si cela arrivait, qui se lèvera pour oser défendre la PMA : ceux qui n'y comprennent rien et qui y verront un durcissement bien venue contre cette PMA danger pour la famille ? Ou ceux qui voudraient en profiter mais qui ne le peuvent pas, et qui voient mal pourquoi d'autres y auraient droit?

L'avenir nous le dira.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je viens de découvrir votre site, fort intéressant. je suis assez d'accord avec ma majorité de vos constatations, mais je suis un peu étonné de lire « La PMA est un acte médical qui permet de soigner un problème de santé, à l'origine de l'infertilité d'un couple. » Je ne suis pas d'accord avec cette phrase, car la PMA ne soigne pas, elle pallie à un problème de stérilité en offrant une solution médicale, certes, à un couple hétérosexuel grâce à un don. La personne stérile, le sera encore après la naissance de l'enfant conçu avec tiers donneur. Il me parait très important de faire cette distinction. La PMA est un arrangement social et médical, pas un acte de soin.

Aurelie a dit…

Je suis outrée de lire que la PMA est un arrangement social et médical dans ce dernier commentaire...

ça laisse sans voix.

Des fois mieux vaut être aveugle et sourde!

Wolfgang a dit…

Bonjour,
La commentaire précédent qui confond PMA et IAD illustre bien votre propos. Ceci a au moins le mérite de recadrer le problème dans les termes du Comité National d'Ethique : le problème n'est pas la PMA, mais la médecine doit elle devenir un service ? Si elle n'est plus limitée à la restauration et à la réparation des fonctions, la nature étant son fondement, alors effectivement elle devient un enjeu politique puisque son fondement devient la liberté. C'est ce qu'on constate avec une demande croissante pour la chirurgie esthétique ou les traitements énergisants (dopage) qui ne restaurent pas mais transforment, et ce souvent au détriment de la santé. A noter qu'avec le raisonnement du commentaire précédent, tout le monde aurait droit à une prothèse de main, puisqu'elle pallie mais ne soigne pas l'amputation, et si on suit ce raisonnement, la prothèse est un arrangement social mais pas un acte de soin. Pour finir, si vous n'aimez pas les familles nombreuses versaillaises, moi je les aime bien : elles ont eu le courage de sortir sous la mitraille politico-mediatique bien pensante pour exprimer leur opinion. C'est une vertu fondamentale pour une démocratie vivante et efficace : voyez la vie démocratique Suisse.