samedi 17 mai 2014

Mieux encadrer l'annonce d'une stérilité


J'ai appris mon problème de stérilité dans ma voiture, sur le parking de l'hôpital dans lequel j'avais fait mon premier spermogramme. La secrétaire médicale venait tout juste de me donner l'enveloppe qui contenait les résultats de cette toute première analyse. 

J'avais saisi l'enveloppe qu'on me tendait et j'avais attendu devant l'infirmière, tout timide ; elle m'avait demandé ce que j'attendais. Je lui avais répondu que j'attendais qu'arrive le médecin qui allait me commenter les résultats. Elle avait ri en me disant qu'il n'y avait pas de médecin pour ça. Quand je lui ai demandé si j'allais comprendre ce qui était écrit dans l'enveloppe, elle m'avait répondu d'un air assuré : "ooooh oui, vous allez voir, c'est très clair". 

En effet, c'était très clair. Les premiers mots qui m'ont sauté au visage, c'était : "absence totale de spermatozoïde" et "azzospermie". C'est effectivement assez clair, pas besoin de médecin pour comprendre que c'était foutu. En deux secondes, assis dans ma voiture, les projets familiaux que nous avions construits, mon épouse et moi, se sont écroulés comme un château de cartes. Tout avait l'air définitif, sans appel. Personne autour de moi pour me dire "pas de panique, ce n'est qu'une première étape, rien n'est perdu".

Mon épouse et moi avons alors vécu les moments les plus difficiles de notre existence. Nous avons passé des soirées et des nuits horribles. "La stérilité ce n'est pas la mort", comme m'a dit une personne qui n'y connaissait rien : mais je la ressens comme une absence de vie. Pas simple non plus. Mais au lieu de nous séparer, ces moments difficiles nous ont profondément rapproché et soudé.

Ce n'est pas le cas pour tous les couples. À l'annonce de la stérilité de l'un des conjoints, il arrive que le couple vole en éclat, tout de suite, ou plus tard - lire mon billet "le couple face à la PMA". Tôt au tard, lors d'une dispute, l'un des conjoints peut être tenté de jeter à la figure de l'autre son lourd handicap, juste pour rappeler que s'il changeait de partenaire, ça résoudrait bien des problèmes. J'ai eu de la chance : mon épouse a été formidable, et je la remercie encore régulièrement, plus de 8 ans après les faits.

Un peu plus tard, quand j'ai expliqué au médecin PMA qui nous a aidé, les conditions dans lesquelles j'ai appris mon état, il était en colère. Il expliquait : "Le corps médical a interdiction d'annoncer sans assistance médicale la séropositivité d'un malade, mais on peut lui jeter à la figure sans ménagement que ses rêves de famille tombent à l'eau !!". Il a raison.

C'est à ce moment là que j'avais dit à notre médecin que s'il parvenait à faire de nous des parents, j'écrirais un livre pour raconter ce que vit un homme qui découvre sa stérilité, et ce que vit un couple qui apprend cette nouvelle sans ménagement. Sans doute ne m'avait-il pas pris au sérieux, jusqu'à ce fameux jour, où à l'occasion d'une consultation pour notre second enfant, j'ai déposé non sans une certaine émotion, notre livre (dédicacé) sur son bureau.

La morale de cette histoire, c'est que certaines annonces nécessitent un accompagnement médical, pour éviter les drames, les pleurs et les traumatismes. L'annonce de la stérilité en fait partie. Dommage, aucune chance que cela bouge : la PMA est maintenant un sujet tabou, trop connoté  politique. Qui osera proposer quelque chose ? Avis aux courageux...

1 commentaire:

Rachel a dit…

Bonsoir,
Je découvre pour la première fois ton blog ce soir (ou plutôt cette nuit). Je trouve génial d'avoir la parole et le ressenti d'un homme.
Ton article m'a particulièrement touché car il m'a ramené qq mois en arrière, nous avons nous aussi appris la stérilité de mon conjoint de façon tout aussi peu délicate...je passe les détails mais, une consultation chez son endocrinologue "au fait vous êtes stérile, voici le numéro du centre pma le plus proche pour prendre rdv, au revoir"
Comme ta femme et toi, des nuits d'insomnie mais surtout cette impression d'avoir percuté un mur de plein fouet.
Pourquoi donc, une telle annonce est elle si peu considérée? Depuis le début de notre parcours Pma j'ai relevé beaucoup de paroles blessantes ou inappropriées de la part du corps médical.
Il est bon de voir qu'on n'est pas les seuls avec ces questionnements. Merci donc pour ton blog!