dimanche 3 décembre 2017

Le supplice de Noël

Comme tous les ans, le premier week-end de Noel, mon épouse et mes deux enfants se livrent à un petit rituel : c'est l'installation du sapin de Noël dans le salon. Moi, je me contente de m'assoir sur le canapé et de regarder toute cette frénésie qui s'empare des enfants qui redécouvrent avec émerveillement les décorations, les guirlandes et les boules multicolores.



Je regarde toujours ce spectacle comme s'il était irréel parce que je suis un "père malgré tout" et que la scène que j'observe tient plus du miracle que d'autre chose. Huit ans après la naissance de mon fils, je n'ai toujours pas réalisé que, malgré ma stérilité sévère héritée du distilbene, je suis papa de ce grand garçon et de sa petite sœur de 5 ans.

Et chaque année, une fois le sapin posé et les enfants couchés avec des rêves de cadeau plein la tête, mon épouse et moi repensons à ce qu'était Noël pour nous, quand la PMA était notre quotidien: un supplice.

Ceux qui n'ont pas connu la PMA peuvent difficilement comprendre les émotions des couples en PMA quand le pays entier se prépare aux fêtes de fin d'année. Car Noel c'est avant tout la fête des enfants, ces enfants justement qui manquent cruellement aux couples qui se battent en PMA.

Les fêtes de Noel sont un rappel quotidien, presque continuel, qu'il manque des petites têtes blondes dans la maison. Tout le rappelle : les films de noel à la télé, les publicités pour les jouets, les émissions sur Noel, les reportages "marronniers" sur le sujet. Tout.

Pour toutes ces raisons, lorsque nous étions en PMA nous ne mettions pas de décoration de Noel dans l'appartement. Au moins pouvions ainsi nous protéger, dans l'enceinte de notre domicile, de cet ambiance de fête qui nous rappelait constamment l'échec de nos tentatives.

Mais il y a une chose à laquelle on peut difficilement échapper quand on a la chance d'avoir encore une famille, c'est le réveillon de Noël. Pour un couple qui suit un parcours en PMA, le réveillon de Noël, c'est le lieu de tous les dangers et de tous les supplices.

Vous allez y croiser Tonton Raymond qui va vous demander avec sa délicatesse d'éléphant si vous avez besoin du mode d'emploi pour avoir un p'tit. Tata Simone prendra le relai pour vous dire que vous y pensez trop et que c'est pour ça que ça ne marche pas. Et puis, votre grande sœur flanquée de ses trois enfants qui jouent en hurlant dans toute la maison, vous expliquera que votre parcours PMA n'est pas une raison pour tirer la tête un soir de réveillon. Enfin, quoi : ce n'est pas pour quelques piqûres de temps en temps qu'on doit faire une tête d'enterrement un si beau jour.

Si vous acceptez une invitation à un réveillon de Noël, vous êtes condamnés à sourir et à vous émerveiller sur les enfants des autres. Vous êtes condamnés à faire semblant de vous amuser et à regarder vos neveux et nièces ouvrir leurs cadeaux en faisant passer cette larme qui coule de vos yeux pour des larmes d'émotion et de joie face à ce sublime spectacle familial. En vrai, vous adorez vos neveux et nièces, mais vous vous rendez compte avec horreur que n'avez aucun plaisir à les voir spécialement ce soir là, et ça ajoute à votre malaise.

Une fois Noel passé, le réveillon du nouvel an pointe son nez. Et il ne faut pas être magicien pour savoir ce que se souhaite un couple en PMA le soir du 31 décembre en se prenant dans les bras.

Il n'y a pas de recette miracle pour faire passer la pilule amère de Noel lorsqu'on est en PMA. Il faut juste se rappeler que le PèreNoël  existe vraiment et que parfois, à la place de jouets, il dépose quelques mois plus tard un bébé dans les souliers des patients en PMA qui auront bien voulu y croire jusqu'au bout. 

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